Et si la RSE commençait là où personne ne regarde ?
- Pauline Leguey

- 18 mai
- 3 min de lecture
Il y a des mots qu’on vide de leur sens à force de les répéter.

La RSE fait partie de ceux-là.
Responsabilité Sociétale des Entreprises.
Trois mots devenus slogan.
Trois mots trop souvent réduits à une ligne dans un rapport, à un label, à une case cochée.
On l’associe à l’écologie, aux quotas, à la diversité, au mécénat d’entreprise.
On la range dans les étagères du service RH ou de la communication.
On l’invoque comme preuve de bonne volonté, parfois même comme alibi.
Mais la RSE, la vraie, ne commence pas dans un bilan.
Elle commence dans un regard.
La RSE ne commence pas dans une politique. Elle commence dans une posture.
Elle commence quand un dirigeant se demande, sincèrement, ce qu’une décision va provoquer — au-delà de son périmètre immédiat.
Elle commence quand on cesse de voir les collaborateurs comme des lignes de coût, et les managers comme des courroies de transmission.
Elle commence quand on comprend que chaque décision RH, managériale, organisationnelle, génère des effets rebonds invisibles.
Invisibles, mais pas insignifiants.
Ce sont eux qui fabriquent — ou fissurent — la confiance.
Ce sont eux qui nourrissent l’engagement, ou installent la méfiance.
Ce sont eux qui rayonnent à l’extérieur, bien avant qu’un post LinkedIn ne le fasse.
Des ricochets silencieux. Et puissants.
Quand vous modifiez une organisation sans en expliquer le sens, ce n’est pas juste un tableau qui change.
C’est un lien de confiance qui s’effrite.
Quand vous écartez une idée au prétexte qu’elle vient d’un junior, ce n’est pas juste un projet que vous refusez.
C’est une culture de l’initiative que vous rétractez.
Quand vous promouvez sans équité, vous n’impactez pas seulement une personne.
Vous envoyez un signal à tout un collectif.
Et ces signaux, qu’on le veuille ou non, rayonnent.
Dans les couloirs.
Dans les comportements.
Dans les départs.
Dans les partenariats qu’on gagne.
Ou qu’on perd.
Un changement de regard plus qu’un changement de méthode
Ce n’est pas d’un outil de plus que nous avons besoin.
Mais d’un changement de focale.
Cesser de croire que l’impact d’une entreprise se mesure uniquement en tonnes de CO₂ évitées ou en pourcentages de collaborateurs “satisfaits”.
Commencer à voir que la RSE est une architecture invisible, qui se construit (ou se détruit) à chaque instant.
Et qu’on ne peut pas la piloter en silo.
Un recrutement raté est un sujet économique.
Une absence d’écoute est un sujet stratégique.
Une rupture de confiance est un enjeu d’image, de croissance et d’attractivité.
La frontière entre social, économique et environnemental n’existe pas.
Elle est le fruit d’une vision obsolète.
Replacer le capital humain au centre : pas comme une étiquette, mais comme une réalité stratégique
Nous sommes entrés dans un monde d’interdépendances.
Un monde où chaque décision crée des ondes.
Sur les collaborateurs.
Sur les clients.
Sur les fournisseurs.
Sur les territoires.
Sur les futurs possibles.
Ne pas en tenir compte n’est plus neutre.
C’est une faute de pilotage.
Et à terme, une erreur de gouvernance.
La performance durable ne se décrète pas.
Elle se fabrique par alignement.
Alignement entre ce que l’on dit et ce que l’on fait.
Entre ce que l’on décide et ce que l’on déclenche.
Entre ce que l’on pilote et ce que l’on provoque.
Et si la RSE était déjà là ? Mais invisible, dissoute dans vos décisions quotidiennes ?
Si elle n’était pas un ajout à votre stratégie, mais le révélateur de sa cohérence ?
Si elle n’était pas une ligne de plus dans le budget, mais la conséquence de vos choix humains, managériaux, structurels ?
Et si l’enjeu n’était pas d’avoir une politique RSE ?Mais de ne plus en avoir besoin, car tout serait déjà aligné ?
Alors, au lieu de chercher comment faire de la RSE, peut-être faut-il commencer par regarder comment on fait entreprise.
Et là, vraiment, tout commence à changer.




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